De l’importance du diagnostic différentiel : quand certaines manifestations cliniques typiques d’un TDA/H (Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité) cachent une réalité tout autre …

 

 Charlotte Laming

 Neuropsychologue

 

Au travers de cette Newsletter, nous souhaitons insister sur l’importance d’évaluations fines, poussées, détaillées et pluridisciplinaires lorsque la question d’un diagnostic se pose.

 Dans le cas qui nous concerne, nous parlerons des similitudes de symptômes visibles que les enfants/adolescents ayant un TDA/H peuvent partager avec les enfants/adolescents à HP.

Il va sans dire que d’autres entités cliniques (problématiques psycho-affectives, traits psychotiques,…) peuvent également partager une similarité de symptômes avec le TDA/H mais elles ne feront pas l’objet de cette réflexion.

Qui n’a pas déjà entendu :

 « il est rêveur, dans la lune, vite distrait »

 « il est agité, se tortille, bouge beaucoup »

 « il est très sensible, notamment à la relation avec son enseignant »

 « il défie, questionne l’autorité, argumente en permanence »

 « il réagit de façon excessive au niveau émotionnel »

 « il déteste les tâches répétitives »

 « son écriture est laborieuse »

 « il a des difficultés dans la lecture des consignes »

 « il n’aime pas s’ennuyer »

 « il joue avec des enfants d’un autre âge que lui »

 « il parle beaucoup et fort »

 « … »

 

En fonction des connaissances que le sujet tout-venant a, la conclusion sera vite tirée :

« il faut consulter, il a un TDA/H » ou « il faut consulter, c’est typique d’un HP »….

Ainsi, malgré de nombreux symptômes cliniques identiques, leur origine peut être différente !

En ne se basant que sur les comportements visibles, il est aisé de comprendre qu’un œil inexpérimenté pourra facilement tomber dans le piège du diagnostic erroné. Le fonctionnement à HP constitue d’ailleurs un des diagnostics différentiels relevés dans le DSM-IV.

Quels sont alors les indices qui nous permettent de les différencier ? Comme énoncé brièvement auparavant, il va sans dire qu’une évaluation pluridisciplinaire détaillée permettra de confirmer/infirmer les premières constatations. Cela dit, les acteurs de première ligne, à savoir les professeurs et les équipes éducatives notamment, ne disposent pas de cette évaluation dans un premier temps vu qu’elle constituera le corollaire de leurs observations.

 

Nous insisterons ici sur deux différences essentielles et primordiales qui peuvent constituer une base de réflexion pour les intervenants non initiés à ces problématiques et leur permettre d’orienter les demandes au mieux vers les professionnels adéquats (bien que dans la vie quotidienne, nous en convenons, les évidences sont rarement aussi flagrantes qu’elles ne le sont en théorie) : l’âge d’apparition des caractéristiques que nous avons listées précédemment, de même que les environnements dans lesquels elles se manifestent. Il s’agit donc de se poser les questions : « où, quand et depuis quand » les symptômes se manifestent.

 

L’âge d’apparition tout d’abord : comme signalé dans le DSM-IV, les enfants TDA/H présentent ces troubles dès leur plus jeune âge. Les enfants à HP par contre, ne développent ces particularités que lors de l’entrée à l’école. C’est en effet dès que le milieu s’avère trop peu stimulant et non adéquat pour ces enfants qu’ils pourront présenter le même type de symptômes que les enfants avec TDA/H.

Ensuite viennent les endroits dans lesquels ils s’expriment : généralement, chez les enfants à HP, ceux-ci ne se constatent significativement qu’à l’école. Alors que chez les enfants avec TDA/H, ils sont présents dans minimum deux environnements différents (école, maison, association sportive, mouvement de jeunesse,…).

Ces deux différences majeures peuvent donc a priori constituer de bons indicateurs différentiels et devraient être utilisées à bon escient chez les acteurs de première ligne afin de moduler les observations faites et de ne pas tomber trop rapidement dans le diagnostic « cliché ».

 

Nous voyons donc qu’il est important, malgré une première analyse par les acteurs de première ligne, de renvoyer vers les professionnels adéquats qui permettront de faire la part des choses dans cet imbroglio de symptômes communs. Un mauvais diagnostic peut en effet être délétère pour la construction de l’enfant.

 

Comme le dit Jacques Grégoire[1], « en clinique, il est peu fréquent de rencontrer des symptômes pathognomoniques, c’est-à-dire des indices qui, pris isolément, permettent d’établir un diagnostic. Le plus souvent, le diagnostic s’appuie sur une configuration plus ou moins large de symptômes, qui chacun, peuvent apparaitre dans une grande variété de troubles (…). Ainsi, en médecine, la fièvre n’est jamais un symptôme pathognomonique. Elle peut en effet se manifester dans de nombreux troubles, et à elle seule, ne permet aucun diagnostic ».

 

1] Analyse des résultats selon Grégoire, J. (2009). L’examen clinique de l’intelligence de l’enfant. Fondements et pratique du WISC –IV (2è éd.). Wavre : Editions Mardaga, p.255.